Vade+Mecum, quand la Reine vient avec le Roi

1.) Quoi que c’est ?

Vade+Mecum est un jeu de rôle de Romaric Briand, sous le format Burst, qui propose donc un système et une campagne « clé en mains ». Plus d’infos sur le site officiel.

2.) Vous en avez entendu parler où pour la première fois ?

J’en ai entendu parler sur CasusNo, dans un post qui lui était dédié. J’ai vu la précommande, mais je n’avais pas vraiment les fonds, et j’attendais d’en apprendre un peu plus sur le jeu.

3.) Achat compulsif, impulsif ou réfléchi ?

J’ai suivi la série de vidéos de Romaric Briand sur la précommande, très instructive. Il y explique le coût de l’ouvrage, ce qu’il en coûte de produire un tel ouvrage, et les différents intervenants. Cette série m’a encouragé à m’intéresser au jeu.

Les références présentées m’ont également poussées vers le jeu, car elles correspondent à mon imaginaire : Metal Gear Solid, Die Hard, 24h Chrono, X-Files … Parasite Eve l’est beaucoup moins (je ne connais que de nom) mais ces références m’ont donné envie d’en savoir plus.

Lors de mon passage à Éclipse, Vade+Mecum était disponible à l’achat, et après une petite discussion avec l’auteur, et bien, j’ai craqué. Mais c’était réfléchi. J’avais avec moi le budget du jeu, au cas où il soit disponible (Romaric étant presque un local de l’étape).

4.) Vous pensiez trouver quoi ?

Une campagne sous forme de scénarios épisodiques, des rebondissements, des ennemis « bigger than life », un système de jeu basé sur un échiquier plutôt novateur et une ambiance forte. Le tout avec pleins de cartes dans pleins de formats.

Reste que je venais avec quelques a priori sur Romaric et son travail. Surtout sur des retours que j’ai eu à propos de Sens (qui m’avaient beaucoup refroidi, sachant que la proposition elle-même ne m’attire pas). Je craignais un ton un peu pédant et donneur de leçon. J’avoue que les vidéos sur la précommande ont en partie éteint ces craintes (d’où l’achat).

5.) Vous avez trouvé quoi ?

Un gros paquet, pour commencer. Le matériel est pléthorique, et les cartes nombreuses. Très nombreuses, et dans des formats très variés. Le livre est également très épais, et impressionne au début. La maquette est sobre, presque triste. Les illustrations ont un cachet indéniable, et sont proposées pleine-page dans l’ouvrage. Un très beau rendu qui change des habituelles illustrations en dessin réaliste.

Faisons le tour du contenu …

Des cartes à foison

Commençons par les cartes. Elles sont nombreuses, et de différents types. On trouve une série de cartes de profils pour les adversaires, des cartes de compétences et de miracles (équivalents des sorts), des cartes pour gérer l’initiative. Mais il y a également les cartes de Révélations et de Problématiques, qui servent à donner des pistes aux joueurs et sont liées au scénario du jeu.

Les cartes sont un peu trop sobres à mon goût, et il manque sans doute un travail graphique pour les enrichir. Mais la maquette du livre étant à l’avenant, j’imagine qu’il s’agit là d’un choix de l’auteur, artistique ou réaliste. L’impression est de bonne qualité, et la présence de ces cartes est un vrai plus à l’utilisation du jeu (Miracles, Capacités et Profils pouvant être trouvés dans le livre).

Concernant les Révélations et les Problématiques, il s’agit d’un élément clé du jeu, que je trouve très pertinent dans le burst. Le scénario est au centre de la proposition, et ces secrets et questions soulevés dans la partie et fournis aux joueurs sous la forme de ces cartes est bien trouvée. Leur divulgation étant rare, un seul joueur sera généralement concerné par la lecture, et cela permettra aux autres de continuer sans temps mort.

Au niveau de la lecture du jeu, c’est par contre un peu plus contraignant. J’ai embarqué le livre avec moi pour le lire sans les cartes, et j’ai donc découvert le scénario sans ces morceaux assez importants. J’ai donc interrompu la lecture du scénario pour le faire tranquillement à la maison, avec ces fiches. Un petit bémol de ce côté-là, donc.

De la théorie et un univers particulier

Une de mes appréhensions avant l’achat est revenue au début de l’ouvrage, qui explique ce qu’est le jeu de rôle pour Romaric Briand. C’est intéressant à lire, c’est poussé, mais les termes usités m’ont un peu sorti de la lecture. Ce n’est pas forcément ce que je cherchais à lire dans Vade+Mecum, et cette théorisation reste heureusement assez courte (et simple).

Maelstrom, contenu fictionnel malléable, Seigneur : il faut réussir à passer outre ces termes (qui viennent d’une réflexion de l’auteur et sont donc dans la continuité de son travail) si on s’intéresse surtout au jeu présenté.

Cela intervient également dans les règles du jeu, avec par exemple l’appellation du Maître de Jeu qui devient ici un Seigneur (mais en fait, on le comprend bien mieux plus tard). Il y a également l’Opus Dei, un dé utilisé pour indiquer l’investissement des joueurs dans la partie, qui sert de carotte car il offre plus d’XP aux joueurs quand il est haut, mais peut-être baissé en cas de distraction, de hors-jeu …

L’utilisation omniprésente de la musique est bien pensée, mais sert aussi ce propos théorique de Maelstrom. Il y a des idées géniales pour la musique : scènes d’XP, playlist, idées pour chaque scène. Mais c’est une expérience que je n’ai pas (jouer avec la musique) et qui peut être source de distraction. À voir.

Quel système avec tout ça ?

Je n’avais aucune du système que j’allais découvrir avant de rentrer dans le bouquin. Et j’ai rencontré quelque chose … de très classique. Pas de traits, de narration partagée, du classique. Quelque chose qui s’oubliera à table et permettra de jouer l’histoire, les personnages et l’ambiance. Pas un mal, mais une petite surprise quand même. Je m’attendais à quelque chose de plus lié à l’histoire et au matériel.

L’échiquier, par exemple, est surtout utilisé comme représentation. Il y a du symbolisme, et des mises en scènes plutôt très malignes, qui viendront se dévoiler au fur et à mesure de la lecture (les déplacements de Knight et l’accès à certaines zones, les pions « miroir », le combat contre le Juge …). Mais en-dehors de ces scènes, l’échiquier sert surtout de plan. Je m’attendais à une utilisation bien plus profonde.

Le jeu est découpé en scènes de différents types : introspection, capacité, combat, exploration, discussions … Chaque scène propose un cadre différent et des problématiques différentes. Cela permet de maintenir l’intérêt de la partie sans en faire un fourre-tout, et cela donne au Seigneur une bonne maîtrise du rythme. Ce n’est pas aussi poussé que dans Swords Without Master, par exemple, mais c’est un bon outil.

Il faut également accepter un côté un peu étrange au jeu, qui vient de sa filiation avec les jeux vidéos. Le magasin d’inventaire dont le stock dépend de votre niveau, les déplacements sur l’échiquier, la comptabilisation du temps. Tout cela déroute un peu, mais est lié à l’histoire et à l’ambiance souhaitée. On le ressent bien mieux une fois la lecture achevée.

Par contre, je suis déçu de la partie Progression du jeu. Chaque personnage débloque des Capacités à différents niveaux d’expérience, mais tout ceci est figé et le joueur n’a aucun contrôle sur ces améliorations. Certaines servent l’histoire et sont difficilement évitables. Mais une progression avec des choix aurait été plus intéressante.

Et l’histoire ?

Le scénario est … surprenant.

On commence par ne rien savoir. On vit, en tant que lecteur, les deux premiers épisodes (sur 4) comme les joueurs. Puis tout est dévoilé avant l’épisode 3 qui est plus ouvert dans son approche. L’ambiance du jeu commence plutôt comme un 24h Chrono ou un Die Hard, et finit clairement comme un Metal Gear Solid.

Si vous cherchez un scénario contemporain bien ancré dans notre réalité, il va falloir passer votre chemin. Il est question ici de magie, d’adversaires « over-the-top » tels les boss d’un jeu vidéo, de scènes brisant le 4e mur.

Mais avec la découverte des secrets et des mystères, rien n’apparaît superficiel, et le jeu propose même une sorte de débrief expliquant certains choix. Et ce débrief est une pièce importante et essentielle de l’ouvrage. Vade+Mecum est Kitsch. C’est marqué dans le livre, et c’est voulu.

Le scénario propose 4 personnages bien différents, tous impliqués dans l’histoire, à divers degrés. C’est un burst, et le scénario et ces personnages sont indissociables. C’est une force. Et une fois la lecture terminée, disposer de ces portraits légers et presque abstraits des personnages est une riche idée : chaque joueur peut se faire l’image de son propre personnage.

Il faudra par contre accepter certains éléments du jeu : dirigisme, mystères, religion, situations invraisemblables … Mais le premier chapitre, qui évoque le contenu fictionnel malléable, peut alors revenir en tête. Et oui, toute cette exposition va être utile à table pour en définir le « contrat social ».

6.) Allez vous vous en servir ?

J’ai été gêné par certains points, mais l’histoire est prenante, vivante, et sort des sentiers battus. J’ai envie de voir ce que ça donne à table. Il faut maintenant trouver le bon groupe, les bons joueurs, la bonne ambiance.

Le format court est ce qui m’avez, d’emblée, intéressé dans le produit. Ainsi que les références. Les deux promesses sont tenues. Et bien tenues.

J’ai apprécié de découvrir le travail de Romaric et d’avoir balayé des a priori. J’ai également grandement apprécié la dernière partie de l’ouvrage, qui explique parfaitement certains points du jeu et comment les aborder. La section Game+Over est particulièrement délicieuse. Tellement qu’en tant que lecteur, je me suis fait avoir également.

7.) En conseilleriez vous l’achat ?

Si les références mentionnées plus haut vous parlent et vous inspirent, foncez !

Si vous recherchez un burst fantastico-scientifico-contemporain, et que vous n’êtes pas trop attaché à la « réalité/véracité », sautez le pas.

Si vous aimez les ouvrages magnifiques tout en couleur, passez votre chemin.

Si vous êtes indécis, demandez-vous pourquoi. Si vous cherchez un système original, ce n’est pas ce que vous trouverez. Si vous cherchez un univers clé en mains pour des campagnes au long cours, ça va être difficile (même si le scénario appelle à une saison 2). Si comme moi vous avez des a priori, bah, oubliez-les, et tentez le coup !

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