Lectures de Rôle #21

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Ash Island, par Brian Bình

J’ai pleins de projets en cours d’écriture. La plupart ne sont encore qu’à l’état de brouillon et n’en sortiront jamais. Parfois, en lisant un jeu, il me vient une idée et je commence à l’écrire pour voir où cela pourrait me mener. Et j’ai donc un brouillon plutôt avancé de jeu reprenant les codes des jeux de Survival Horror comme Silent Hill, Resident Evil ou encore Alan Wake.

Et puis, je découvre Ash Island.

Dans ce jeu, les joueurs incarnent des Anchorites. Des personnages étrangement attirés par l’île de Ash Island, une île qui essaie de retrouver un second souffle, de devenir une destination attirante mais sombre en fait dans une sorte de lente dépression. Une fois sur l’île, les personnages vont se retrouvés plongés dans une autre version de l’île. Une île plongée dans le brouillard (pour commencer), dans laquelle ils se retrouvent seuls, proies de créatures cauchemardesques. Et ils devront essayer de trouver comment s’en sortir, en faisant face à leurs propres démons personnels.

Quasiment la proposition que j’avais en tête dans mon brouillon.

J’ai donc plongé sur Ash Island. Pour voir ce que proposait ce « concurrent » à mon idée. Spoiler : il y a de grandes chances que mon brouillon n’aille pas plus loin.

Ash Island propose des parties « one-shots ». Vos personnages vont vivre une incursion à Ash Island, et s’ils s’en sortent, ce ne sera pas une sinécure. Le jeu aborde des thèmes sombres, violents. Les personnages que l’on interprète ont des secrets, des raisons cachées qui les relient à l’île. Ces motivations sont au cœur de la création de personnages, et reviennent également pimenter le système de jeu avec des déclencheurs narratifs.

Le système de jeu repose sur un mécanique de Black Jack. On tire des cartes pour essayer d’obtenir 21, sans jamais dépasser cette valeur cible. Plus on s’en approche, meilleure sera l’issue. Mais attention d’être trop gourmand ! L’île sera sans pitié.

Trois types d’action sont proposées, avec une résolution commune (le Black Jack) mais quelques différences pour chaque, liées à leurs objectifs. On commence par Stealth, qui permet de progresser dans l’île, d’obtenir des indices sur ce qu’il se passe, et de passer aux zones suivante. Ensuite, face aux obstacles et aux dangers, on peut choisir d’agir avec Guile (Ruse) ou Violence. La violence entraînant toujours la violence et la montée d’une piste générale de ténèbres.

Le système s’intègre vraiment bien dans la fiction, et même si les diagrammes présentés sont un peu touffus, j’ai l’impression que ça se comprend très vite.

Côté meneur, on a de nombreuses pistes proposées pour les lieux de l’île. Je suis un peu déçu par ces pages, avec la carte détaillée des lieux, les descriptifs des différentes maisons de la ville, etc. J’aurai préféré une carte moins « réelle », et plus une liste de lieux iconiques.

Le système de jeu donne déjà énormément de billes au gardien pour plonger les joueurs dans leur horreur personnelle et dans cette prison que va devenir l’île. Les secrets sont liés aux personnages, et pas à l’univers. Qui s’adaptera. Des idées sont fournies, et les conseils de mise en scène sont très bien vus. Le genre et le thème ont été digérés parfaitement.

C’est un jeu que je compte relire à nouveau. Ca ne m’arrive pas souvent. Mais j’ai envie de mieux le cerner, d’en saisir les subtilités pas vues à la première lecture. Je suis très surpris d’être tombé dessus presque par hasard, et de ne pas en avoir entendu parler avant.

Ash Island est disponible sur itch.io et DriveThruRPG.

Le Temple des Vents (La Faim #1), par Julien Pouard

Le Temple des Vents est un module solo qui inaugure le jeu La Faim, par Julien Pouard. Pour en avoir discuté avec lui, La Faim est donc un projet de Jeu de rôle sur lequel il travaille depuis quelques années, et il a choisi de tester certaines des mécaniques de jeu via un module solo. Qu’il a donc publié, et qui est le Temple des Vents.

Comme il y a un numéro #1 affecté à ce premier module, on se doute bien qu’il y a une suite. Qui s’appelle Le Colosse de Grisantre, et propose un nouvel environnement à arpenter, ainsi que des règles pour du jeu coopératif. La suite, ce seront d’autres environnements et sans doute le jeu complet, avec meneur.

Dans ce module, on joue l’Arpenteur. Un voyageur étrange, qui erre de royaume en royaume. Ces royaumes sont comme des bulles de réalité, avec leurs propres règles. Quel type de magie y trouve-t-on ? Quelles sont les relations avec les sources magiques ? Quelles sont les coutumes ? Qu’est-il interdit de faire ? Qu’est-il impossible de faire ?

L’Arpenteur amène avec lui La Faim. Une malédiction, contre laquelle il lutte mais dont il est aussi le propagateur. Pour réussir sa quête, qui est de calmer sa faim, le personnage doit plonger au cœur d’un donjon pour y récupérer une relique. Mais ce faisant, il va exposer le royaume à la Faim, et à terme le condamner.

J’ai dû relire plusieurs fois certains passages pour m’assurer d’avoir bien cerné cet aspect du jeu. Et j’ai même demandé confirmation à Julien. Et oui, notre Arpenteur est au courant de cette malédiction et de ce qu’elle implique. Et donc, si on se décide de sauver le personnage, on condamne un royaume. On joue un salaud. J’ai été un peu perturbé par ça. Et je ne me vois pas me lancer dans ce genre d’histoire avec ce genre de personnages. Il y a un côté « Vampire sans rédemption » derrière tout ça. Et ce qui me gêne le plus, c’est cette connaissance, le fait que le personnage agisse en connaissance de cause… (ce qui peut facilement être modifié, cela dit).

Après cette digression (que je jugeais nécessaire), regardons un peu le système. On joue avec des dés de toutes les valeurs, dont la taille et la face affichée serviront de compteurs. J’aime beaucoup quand on utilise des dés pour autre chose que simplement obtenir un résultat aléatoire. Ils font d’excellents compteurs et marqueurs, et Julien a trouvé quelque chose de très élégant ici.

Les dés peuvent évoluer sur leur taille et leur valeur. D8/5, par exemple, signifie un D8 avec la valeur 5. Si on change sa taille, il pourrait devenir D10/5 ou D6/5. Et certaines actions, plus mineures, viendront diminuer son score. Ajoutons à ça une règle qui fait qu’un dé lancé diminue automatiquement, et on obtient un système d’attrition nécessitant des sacrifices, et l’usage de la Faim.

Je l’ai mentionné au début, chaque Royaume a des règles. Des choses Interdites, d’autres Impossibles. Ce phrasé est important, car cela fait partie des règles du jeu. Les pouvoirs de l’Arpenteur lui permettent de passer outre ces limitations … s’il décide de se laisser consumer par la Faim. Réaliser l’impossible a un sacré coût. C’est tellement agréable de voir une mécanique de jeu se mêler à une élément d’univers comme cela !

Le Temple des Vents est disponible sur itch.io et Lulu, et n’hésitez pas à suivre les développements de La Faim dans les devlogs ou les vidéos de Julien !

Fake Chess, par Sean Patrick Cain

Mon rapport avec les échecs est … compliqué. C’est un jeu dont j’adore l’esthétique, les mécaniques. Mais auquel je n’arrive pas à jouer. Parce que je n’ai pas le niveau de mes adversaires. Je me fais rouler dessus, ou je domine outrageusement. Et je n’ai pas forcément l’envie ni le temps de trouver des adversaires de mon niveau. J’ai par contre un excellent souvenir d’un jeu vidéo d’échecs qui rebattait les cartes en introduisant une narration, des défis différents de juste réaliser un match, et un démarrage avec moins de pièces (si vous retrouvez le nom, hésitez pas !).

Bref, la mystique autour des échecs me plaît. Et donc, Fake Chess.

Fake Chess propose de jouer aux échecs sans jouer aux échecs. On va agir comme un joueur d’échecs, déplacer des pièces, prendre celles de son adversaire, et à la fin, il n’en restera qu’un (de roi). Sauf qu’au lieu de jouer aux échecs, on va jouer avec une sorte de playbook, qui nous autorise à déplacer des pièces selon un plan associé. Certaines cases nous permettent d’aller sur une case libre, d’autres sur une case occupée (et d’enlever la pièce de notre adversaire). On n’a pas à respecter les règles de déplacement, et le jeu propose une vraie compétition entre les deux joueurs, avec des conditions de victoire bien établies.

Mais le cœur du jeu n’est pas là (même si c’est extrêmement bien pensé comme mécanique). Non, tout le sel vient de la seconde partie du playbook.

Dans cette seconde partie (à droite), vous avez une liste d’actions que vous pouvez faire. Des choses typiques (et clichés) de ce que l’on imagine lorsqu’on parle d’une partie d’échecs. De ce qui passe sur les écrans dans les films et séries traitant des échecs :

  • claquer la pièce qu’on joue
  • maudire l’état de l’échiquier
  • se lever et marcher un peu avant de jouer
  • complimenter le dernier coup de l’adversaire
  • nommer la stratégie adverse

Réaliser ces « mimiques » vous permettra de déclencher des effets en jeu. Dans le vrai jeu, qui vous permettra de gagner. Et on se retrouve à jouer aux échecs « comme dans les films » sans vraiment jouer aux échecs. Brillant.

Mais Sean Patrick Cain ne s’est pas arrêté là. Voici qu’est également apparu le Book of Champions. Un supplément proposant des personnages tous différents (dans le jeu de base, seuls les plateaux changent). Chaque personnage a ses « mimiques », typiques de l’archétype qu’il incarne. En voici une liste; qui devrait évoquer des images chez vous :

  • Le joueur du parc municipal
  • Le mentor bienveillant
  • La reine dépendante
  • L’enfant prodige
  • La célébrité hagarde
  • Le Russe glacial
  • L’escargot cérébral
  • La beauté magnanime
  • Le tuteur magicien
  • L’ordinateur
  • L’ange de la mort

Je n’avais pas d’échiquier avant ce jeu. Mais ça, c’était avant…

Et maintenant, je rêve de voir la même chose pour du Fake Poker…

Fake Chess et Fake Chess: Book of Champions sont disponibles sur itch.io.

Stealing the Throne, par Nick Bate

Voici un jeu que j’ai Zinequesté (c’est comme ça qu’on dit ?) et que j’ai récemment reçu. Alors, pour commencer, il combine des traits qui me font immanquablement m’intéresser à lui : des robots gigantesques, un casse, du jeu sans meneur. Et puis, en m’intéressant au travail de l’auteur (et en discutant avec lui), j’apprends que Face au Titan fait partie de ses sources d’inspiration, que ça lui a permis de débloquer certains trucs. Le kiff de game designer !

Bref.

Dans Stealing the Throne, on va voler un « Throne ». A savoir un des douze robots gigantesques qui ont permis de sauver notre empire galactique, et servent maintenant de trophées à de puissantes familles dirigeantes. Pas de préparation, on va se lancer dans le casse, vaincre les obstacles qui se dresseront face à nous, puis nous nous enfuirons aux commandes de ce Throne. Hollywood-style.

Après une courte phase de mise en place du cadre, on se lance directement dans l’action. Un joueur joue l’opposition, un autre joue le voleur dans le spotlight. Les autres colorent la scène. On retrouve un peu du rythme de Swords Without Master dans cette opposition, avec un aller-retour entre les deux joueurs, jusqu’au moment pivot où le joueur décide d’utiliser une des 3 cartes à sa disposition. Espérant ainsi vaincre l’opposition.

Le joueur peut demander de l’aide, partir dans un feu d’artifice ou trahir son camp si sa carte n’est pas suffisante. Dans tous les cas, l’obstacle sera vaincu. C’est efficace et malin, en donnant la liberté à chacun de choisir son chemin. La trahison est vraiment bien pensée : le joueur passe sans difficultés l’obstacle, et tous les joueurs savent sa trahison. Mais dans l’histoire, celle-ci ne se révélera qu’à la fin. J’aime ce style de jeu qui donne plus d’infos aux joueurs qu’aux personnages. Jouer la méconnaissance de nos personnages, je trouve ça jouissif.

La mécanique de gestion de cartes, simple, permet de vraiment donner le contrôle de l’histoire aux joueurs, qui peuvent se réserver pour le final, tout donner d’entrée, et bien choisir à qui donner leur aide.

En 40 pages, on a un jeu compact mais taillé sur-mesure pour des histoires de casse. La moitié de l’ouvrage présente le cadre du jeu, avec quatre Thrones développés sous la forme de multiples listes. C’est comme ça que j’ai conçu mes Titans, et je trouve ça agréable de voir ce genre de propositions. On peut rejouer le même Throne de manière différente, et chaque Throne amène des thèmes très différents en jeu.

Les illustrations des Thrones, par des illustrateurs différents, dépotent. Leurs histoires esquissées dans leurs playsets intriguent. On a envie d’en savoir plus sur ces monstres mécaniques.

Bref, un zine vraiment très réussi, avec une proposition de jeu qui ne demandent plus qu’une chose : être mise à table !

Stealing the Throne est disponible sur itch.io.

Le système de Stealing the Throne peut-être réutilisé, et une jam de création a été lancée. Il se pourrait qu’un brouillon existe sur mon PC…

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