Comment j’ai créé un jeu DFTQ

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En préambule

DFTQ. Descended from the Queen. Un acronyme pour regrouper les jeux s’inspirant de For the Queen/Pour la Reine. Une filiation autorisée, grâce à la générosité d’Alex Roberts qui, dès la publication de son jeu, autorisa les hacks et cette filiation.

Ces jeux me plaisent. J’en ai testé plusieurs, lu encore plus, et j’en ai conçu moi-même. Je trouve ce game-design brillant, et j’ai envie, par ce billet, de partager mon intérêt pour ce format, ce que j’en attends. Je présenterai également mes méthodes de travail autour de ces jeux, comment je m’y suis pris pour développer mes jeux DFTQ.

D’autres que moi ont également abordé ces jeux et leur design. Je vous invite à découvrir ces autres articles. Parce qu’ils ont une vision différente de la mienne, parce que leurs méthodes de conception sont différentes, et qu’il est important de ne pas se figer sur une seule vision, mais d’ouvrir son horizon.

Ce qu’est pour moi un DFTQ

Il n’y a pas vraiment de règle pour définir clairement ce qu’est un Descended from the Queen. Le SRD disponible sur le site officiel du jeu reprend les règles de For the Queen mais n’impose aucune pour ses descendants. Alors, de quoi est-ce que je parle quand je mentionne mes jeux DFTQ ?

Tout d’abord, j’imagine un jeu sans meneur. Tout le monde autour de la table a la même responsabilité vis-à-vis de l’histoire racontée, même si un facilitateur peut bien sûr aider à la tenue de la partie. De même, le jeu ne doit pas nécessiter de préparation. On sort le jeu, on lance la partie.

Il n’y a pas vraiment de règle pour définir clairement ce qu’est un Descended from the Queen. Le SRD disponible sur le site officiel du jeu reprend les règles de For the Queen mais n’impose aucune pour ses descendants. Alors, de quoi est-ce que je parle quand je mentionne mes jeux DFTQ ?

Tout d’abord, j’imagine un jeu sans meneur. Tout le monde autour de la table a la même responsabilité vis-à-vis de l’histoire racontée, même si un facilitateur peut bien sûr aider à la tenue de la partie. De même, le jeu ne doit pas nécessiter de préparation. On sort le jeu, on lance la partie.

Ensuite, le jeu ne doit pas nécessiter de manière supplémentaire au jeu de cartes qui lui sert de support (même si j’y reviendrai plus loin…). Pas de dés, pas de jetons, pas de feuille de personnage. Bien sûr, il est possible pour les joueurs d’utiliser des feuilles volantes pour noter des informations, identifier leurs personnages ou se rappeler d’éléments de l’histoire. Mais cela ne doit pas être nécessaire au jeu.

Enfin, je considère qu’un Descended from the Queen doit être le plus simple possible à mettre en place. Un paquet de cartes Instructions, un paquet de cartes Questions, éventuellement un paquet de cartes Fin (oui, je commence à m’éloigner du modèle). En option, des cartes qui permettent de définir le cadre et les personnages non joueurs en démarrage de partie.

Et là, par exemple, j’exclurais Rituels et Donjons & Siphons (de la gamme For the Story) de ma définition des DFTQ. Parce que Rituels propose deux paquets de cartes Questions, avec une montée en tension entre l’Acte 1 et l’Acte 2. Pour Donjons & Siphons, ce sont les cartes des personnages-joueurs qui le font sortir de ma définition. Pour autant, je les considère comme des Descended from the Queen.

Mais ce n’est pas sur ce modèle que je souhaite baser mes créations. J’ai le souhait de coller au plus près au modèle (Tout en changeant la fin, par exemple, je ne suis pas à une contradiction près). Et j’ai l’impression de trop dénaturer le jeu en proposant ces modifications. Cela influe grandement sur le design des questions, au cœur du jeu.

Le format cartes : une évidence, une difficulté

For the Queen est un jeu dont le seul matériel consiste en un paquet de cartes. Gros coup de cœur à Bragelonne Games d’ailleurs pour la version française et la gamme For the Story, qui reprennent cette forme avec des cartes avec un format tarot super agréable à l’usage. C’est classieux à utiliser. On peut y mettre pas mal d’informations et les dessins des reines ressortent magnifiquement.

Comme je l’ai indiqué plus haut, le format « cartes » est pour moi un indispensable des DFTQ (mais …). Il faut donc, lors du design réfléchir à comment transmettre les idées de son jeu via des cartes. Pour cela, la constitution des cartes Instructions doit être traitée avec une grande attention.

De bonnes instructions

L’écriture des instructions nécessite de bien avoir posé son concept dès le départ. Dans « Un Dernier Tour de Piste », dès le départ, j’avais cette idée d’une dernière course de la saison. D’une saison pendant laquelle les pilotes vivent ensemble, interagissent ensemble. Les premières cartes Instructions posent ce cadre, qui est générique (des cartes Cadres permettant ensuite de choisir un univers, un type de course) mais constitue le cœur du jeu. Ensuite, je précise la préparation : définir le cadre de jeu est nécessaire pour avoir une bonne partie, et je pose les questions nécessaires pour que les joueurs le définissent ensemble.

Certaines de ces instructions sont évidentes, d’autres nécessitent des tests. Travailler avec des cartes, pour designer, c’est assez pratique. J’imprime le jeu sur un format standard (format Cartes Magic), en recto uniquement. Je cale tout ça dans une sleeve transparente, et je teste. La sleeve me permet de sortir une carte, parfois en pleine partie. Je peux ainsi la corriger, la réécrire selon ce qu’il s’est passé lors du test. C’est très pratique.

J’ai remarqué que, pour bien transmettre les instructions, il fallait rester simple. Eviter les phrases à rallonge, quitte à être moins littéraire et plus didactique. La forme des instructions est aussi importante. Gras. Italique. Les deux. Sauts de ligne pour marquer une respiration. La forme est aussi importante que le texte pour transmettre les infos.

Je termine généralement par la partie « technique » des instructions. La mécanique de base des DFTQ : tirer une carte, poser des questions aux autres, passer les cartes …

J’ai aussi choisi de ne pas donner les instructions finales maintenant. Parce qu’on va les oublier. A la place, je les intègre dans le paquet de cartes Instructions, et je demande à placer les X prochaines cartes de côté. Les lire au moment de la conclusion est plus efficace.

De la difficulté des cartes

Quand j’ai mis la main sur mes premiers jeux For the Story, j’ai remarqué qu’il y avait moins de cartes Instructions que dans mes prototypes. La raison, elle vient notamment du format Tarot, qui permet d’intégrer plus d’informations sur une seule carte. Mais dans le cadre d’un print N play, je ne me vois pas proposer le format Tarot. Cela demanderait trop d’impression (je n’ai pas fait le calcul, mais pas loin du double de feuilles). Et les sleeves si pratiques ne sont pas si faciles à trouver dans ce format. Et plus onéreuses.

J’ai pourtant continuer à mettre à disposition dans ce format, parce qu’il est pratique pour les tests et pour faire jouer le jeu en association ou en convention. Et je continuerai à le faire, parce qu’il est au cœur du game design du jeu. Mais les prochaines versions de mes jeux DFTQ proposeront une variante sans cartes dédiées. Parce que demander à de potentiels joueurs d’imprimer, de découper et de sleever près de 100 cartes n’est pas concevable. Parce que lancer une impression de jeux de cartes n’est pas viable financièrement à mon niveau (mais n’hésitez pas à tanner Bragelonne Games pour qu’ils intègrent mes jeux à leur gamme). Et aussi parce que le format carte en impression à la demande n’est pas intéressant actuellement pour un marché francophone.

L’expérience de la refonte d’Après l’Accident m’a permis de voir qu’il était possible d’utiliser efficacement un deck de cartes standard. C’est ce que je proposerai. Cela me permettra notamment de limiter les cartes Questions (52), mais surtout de faciliter la mise à disposition du jeu à plus de joueurs. Plus besoin d’impression ni de découpage de cartes. Une table de correspondance à définir suffira. Reste que je dois encore retravailler la transmission des Instructions sous ce format.

De la bonne tenue des questions

Les questions, je l’ai déjà mentionné, sont au cœur du concept des DFTQ. Donc, comment faire pour bien les travailler ? Voici ma recette.

Des thèmes pour soutenir le jeu

Quand j’ai écris « Un Dernier Tour de Piste » ou « Une Affaire qui fera la Une », j’ai commencé par établir les inspirations qui m’amenaient à concevoir ces jeux. J’ai commencé à écrire des questions, celles qui me venaient instantanément. De là, des thèmes ont commencé à émerger de ces questions.

Ces thèmes, ils vont être au centre de mes réflexions. Mes jeux DFTQ n’ont pas de cadre précis. C’est intentionnel. Je veux explorer un genre de fiction (le monde de la course, le monde du journalisme). Je ne veux pas explorer un univers. Je propose donc différents cadres de jeux, sur lesquels mes questions vont pouvoir venir se greffer. Et mes questions doivent rester vagues par rapport à ces cadres. Mais pour donner de l’intérêt et une identité au jeu, ce sont ces thèmes qui vont être centraux.

Je bosse à partir d’un tableur. Et je liste mes thèmes dans des colonnes avec des cases à cocher. Puis j’aligne les questions dans les lignes. Généralement, j’ai plusieurs questions qui sont déjà rédigées. Je commence par elle. Les thèmes viennent ensuite, je réajuste parfois. Et je coche. Quand une carte correspond à un thème, à un type de carte (par exemple, ici, j’ai des cartes du Passé et d’autres du Présent), je coche. Et tout en bas de la feuille, je fais un pourcentage.

Je ne cherche pas forcément un équilibre. Certains thèmes sont parfois mineurs. Parfois, je veux que deux thèmes soient équilibrés entre eux (mais pas forcément avec les autres). Ces pourcentages me servent à ça. Cela me permet aussi de vérifier un ressenti après une partie. Après une partie d’Une Affaire qui fera la Une, on avait noté qu’il y avait beaucoup de cartes sur des relations négatives entre les personnages. J’ai fait le listing après-coup, en ajoutant deux thèmes Relation Positive/Négative. Cela m’a permis de voir un sacré fossé entre les deux, et de le rétablir un peu. Parfois, c’est l’inverse. Le tirage aléatoire des cartes sur une partie peut amener une fausse impression, que ces stats peuvent contredire.

De l’art de poser les questions

Maintenant, en plus des thèmes, il faut poser les questions. Les bonnes questions. Ou plutôt, il faut savoir les poser et les écrire.

J’avais, dans les premiers jets, l’obsession d’écrire uniquement des questions. Ce qui me donnait parfois des phrases alambiquées, trop longues, dans lesquelles j’essayais de caser des informations. Ce n’est plus le cas. Je n’hésite plus à précéder les questions d’affirmations. Parfois, à faire s’enchaîner les questions.

Avant

Après la dernière course, pourquoi n’as-tu pas partagé un verre avec la personne ici avec qui tu le faisais habituellement ?

Maintenant

Avec qui ici partageais-tu un verre après chaque course ? Pourquoi ne l’avez-vous pas fait après la dernière course ?

Je n’hésite pas non plus à imposer des choses aux joueurs. Les questions imposent déjà des éléments, alors parfois j’ose (en tant qu’auteur) imposer des éléments à la fiction. Cela me permet de renforcer le thème, d’éviter d’avoir des questions très vagues, et parfois de forcer le joueur à justement adapter son histoire à la carte.

J’essaie aussi, autant que possible, d’éviter les questions fermées. Elles sont parfois utiles, quand l’objectif d’une carte est justement de proposer un choix (Oui/Non) à un joueur. Mais le plus souvent, je vais essayer de tourner les questions avec des questions Comment, Pourquoi, Qui, Quoi…

Et en playtest, je note, je rature. L’intérêt justement des cartes sleevées. Je peux retravailler la question au crayon directement. Parfois, juste un mot, juste une formulation. Parfois, l’ensemble.

La touche finale

La carte finale est le point d’orgue de la partie. Dans Pour la Reine, elle est simple :

La Reine est attaquée !

La défendez-vous ?

C’est une carte finale particulière, parce que peu de cartes Questions impliquent cette notion de danger. Et notre rôle, dans le jeu, est plus d’accompagner la Reine que de la défendre. Mais elle a un côté très fort, qui permet de vraiment la séparer du reste des cartes Questions.

De mon côté, j’ai choisi dans mes jeux de proposer des fins multiples. Ou plutôt, des fins différenciées pour chaque joueur. Je pourrais transformer la mécanique de Fin en ne proposant qu’une seule carte. C’est ce que je vais faire dans les versions que je mettrais à disposition sur For The Drama.

J’ai choisi à la place d’imposer des choses aux joueurs. De laisser la fin moins libre. Parce que j’ai remarqué que trop de liberté bloquait parfois certains joueurs. Et aussi parce que forcer certains éléments amenait des fins bien plus intéressantes.

Pour Un Dernier Tour de Piste, la fin a été écrite quasiment en premier. Tu ne gagnes pas la course. Comment le vis-tu ? Voilà la question finale originale. Et toutes les questions finales (hormis celle où on gagne) sont des variantes.

  • Tu n’as pas remporté la course. Pourquoi ton après-course est-elle mouvementée ?
  • Tu ne finis pas la course. Raconte ton accident et ses conséquences.
  • Tu n’as pas remporté la course. Pourquoi ta participation à la prochaine saison est-elle incertaine ?
  • Tu n’as pas remporté la course. Où vas-tu dès la ligne d’arrivée franchie ?

Cette carte finale, c’est votre porte de sortie. C’est la dernière carte que verront les joueurs. C’est sans doute la carte la plus importante. Elle va préciser le rythme de la partie, la conclusion de l’histoire, et surtout, dès l’entrée de jeu, elle indiquera vers quoi va tendre l’histoire.

Votre jeu est terminé ! Le libérez-vous ?

Voilà mes réflexions et méthodes autour des jeux Descended from the Queen. Ces réflexions ont accompagné de nombreuses parties de test, des révisions, des réflexions sur le format et la diffusion de ces jeux. Cet article est sans doute un peu décousu, mais j’espère qu’il vous éclairera et vous donnera des pistes pour développer les vôtres.

N’hésitez pas à réagir, ici en commentaires, par mail, par MP ou sur les réseaux sociaux. Je ferai peut-être un récap à ce sujet plus tard. J’ai aussi prévu de parler de mise en page et de format dans un autre article, quand ma révision d’Un Dernier Tour de Piste sera mise en ligne.

En attendant, amusez-vous !

4 thoughts on “Comment j’ai créé un jeu DFTQ

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