Le Repaire de Gulix

Lectures de Rôle, calibre 58

Une revue de lecture qui aurait dû sortir plus tôt, mais la voilà enfin ! Pas mal de "gros jeux" (plus de 20 pages), ce qui change pas mal des dernières sorties. Dans les tons et les thèmes, ce sera plutôt varié, vous verrez.

Cryptid Creeks, chez Hatchling Games

Livre de Cryptid Creeks

J'avais l'oeil sur ce jeu Carved from Brindlewood depuis quelques temps, ayant même participé au kickstarter à l'époque. Mais c'est finalement une opportunité de l'acquérir au format physique qui m'a permis de me plonger dedans.

Dans Cryptid Creeks, on joue un groupe de jeunes scouts de rivière qui vont découvrir tout un pan fantastique de leur environnement, une région un peu isolée construite autour d'une rivière. Des malédictions vont frapper des personnes en ville, et il sera de leur responsabilité de découvrir ce qu'il se passe vraiment, et comment lever ces malédictions. Qui semblent toutes être liées, comme ils le découvriront. Le jeu pioche son inspiration dans Les Goonies, Hilda, Gravity Falls et d'autres fictions du même acabit.

Pour un habitué des jeux CfB, on est dans un cadre connu. Le jeu s'inspire des mécaniques de Brindlewood Bay, de The Between, de The Silt Verses (un peu moins de Public Access). Chaque personnage a son livret propre (l'Athlète, le Médic, le Musicien, le Rat de Bibliothèque, le Marin, le Marginal). Plusieurs mystères sont proposés, et une grande conspiration avec un grand méchant est proposé. Le cadre de jeu est également important, avec l'introduction de scènes de voyage, quand les personnages se baladent d'un lieu à l'autre (comme dans The Silt Verses).

Le jeu est très agréable à la lecture, avec de nombreuses illustrations dans un ton qui colle bien à l'ambiance. Celle-ci reste cozy, bienveillante, et l'horreur reste grand public. En jeu, le ton semble bien coller aux inspirations mentionnées plus haut, et il sera tout à fait possible d'y jouer avec un public jeune adolescent.

Le jeu propose de nombreuses pistes et idées à suivre pour ses mystères et l'étrange qu'on va y rencontrer. Mais l'émergence est bien présente, et beaucoup de choses ne sont pas expliquées franchement, ce qui permettra à chaque table d'agrémenter ça à sa sauce.

Si vous cherchez un jeu dans la trempe de Brindlewood Bay, qui ne plonge pas dans l'horreur brute mais plus dans le merveilleux et l'étrange, c'est le jeu qu'il vous faut !

Cryptid Creeks est disponible chez Hatchling Games.

White Mountain Rescue, par Daniel Qualls

White Mountain Rescue

On reste dans les Carved from Brindlewood avec ce White Mountain Rescue qui va nous emmener dans les forêts vallonnées du New Hampshire et du Maine. On va y jouer une équipe de sauveteurs spécialisés, qui vont être amenés à intervenir sur des accidents, des disparitions en terrain difficile et hostile, jusqu'à découvrir que quelque chose de surnaturel a surgi au fin fond des étendues sauvages, et veut étendre son emprise sur le monde humain.

Le jeu se veut émuler l'ambiance d'une série TV, et on va jouer des personnages qui, dans la réalité, ne formeraient sans doute pas une telle équipe, et ne seraient même pas impliqués dans de telles affaires. Les archétypes résonnent parfaitement avec cette envie de raconter une série TV : le Vétéran, le Rookie, le Garde-Chasse (populaire et issu d'un autre service), le Ranger, le Mécène, le Médic, le Disparu. Au niveau des mécaniques, on reprend une base assez classique de Cfb, mais avec une horloge sur chaque mystère. Autre spécificité, le fait d'évoquer des cold cases, de jouer le retour à la maison, ainsi qu'un fameux jet de Rationalisation à la fin d'une mission, pour évacuer ce que les personnages auraient potentiellement vus.

Le jeu manque un peu de clarté sur la manière de rythmer un mystère, entre la phase d'enquête, la phase de recherche active, la question à répondre et l'irruption du fantastique. Des actual plays de l'auteur existent, et éclairciront sans doute ça.

Le jeu n'est pas avare en missions et en à-côtés (l'équivalent de Unscenes, à la fois pour les cas non résolus mais aussi pour la vie quotidienne). La mise en page est basique, et il est parfois difficile de bien se retrouver dans le livret, mais une fois la base acquise, on se plaît à lire les missions et les personnages.

Si vous aimez les jeux qui explorent notre monde avec du fantastique (qui va devenir de plus en plus présent, avec un énorme climax), les séries TV de sauvetage, c'est tout à fait indiquer !

White Mountain Rescue est disponible sur itch.

Deathmatch Island par Tim Denee

Vous débarquez sur une île. Vous n'avez pas vraiment de souvenirs, ou vagues. Vous êtes en groupe, et on vous indique qu'il va falloir survivre à cette première manche, et que d'autres personnes vont aussi participer. Vous êtes filmés : faites-en sorte de gagner des followers !

Deathmatch Island est un hack de la seconde édition de Agon, dans lequel on va évoluer au sein d'un jeu, à se battre pour sa survie, en gagnant des followers, et en essayant (peut-être) de comprendre ce qu'on fout là-dedans !

C'est brillant. D'un point de vue plastique, tout d'abord. Le jeu est magnifique, pensé presque comme un objet intra-diégétique, qui existerait dans l'univers du jeu. La version physique est un plaisir à lire. C'est bourré de petits passages ironiques, mordants.

On va jouer en groupe, tout en étant chacun en compétition avec les autres. Nos followers dépendront de nos résultats lors des confrontations, des challenges. Le système de Agon marche à la perfection, et je l'ai presque mieux senti et compris que dans Agon lui-même. J'ai presque l'impression qu'il y fonctionne mieux. Chaque scène sera résolue par un gros jet de dé, pour lequel on va piocher dans nos traits et équipements. Le meilleur résultat emporte la scène (et les followers), puis une fois le jet fait, on raconte/décrit ce qu'il se passe pour résoudre la scène.

Le jeu de base propose un groupe de trois îles, à enchaîner pour faire une partie complète (en 3/4 sessions). On rencontrera des personnages sur ces îles, des alliés et des adversaires, qui reviendront dans la seconde île. On a des "scénarios" à appliquer sur les îles. En gros, des groupes de personnages à utiliser, qui donneront une teinte différente à une île.

Le jeu, dans son ironie, propose de jouer pour gagner. Mais les joueurs (et leurs personnages) découvriront également au fur et à mesure des choses étranges. Et pourraient avoir envie de voir derrière le rideau. De dévoiler la conspiration. De savoir pourquoi on les a jeté ici. Et la possibilité de briser le jeu sera offerte. Avec un twist.

Le jeu est parfaitement dans le ton actuel. C'est bien écrit, bien expliqué, magnifiquement mis en page, et surtout, ça donne une envie furieuse d'y plonger pour voir ce qu'il va se passer.

Découvrez le site officiel de Deathmatch Island

Blood on my Name par Kienna Shaw et Jason Cutrone

Blood on my Name

Voilà un Wretched & Alone qui va vous mettre dans la peau de John Wick. Ou tout comme. Vous étiez un assassin hors pair, un des meilleurs, dans le monde obscur des criminels. Vous avez pris votre retraite, vous avez fait la connaissance d'autres personnes, à qui vous vous êtes attachés. Un jour, quelqu'un les a tués, et tout pointe vers un autre assassin, que vous connaissez bien. Une seule chose à faire : vous venger.

Le jeu est magnifiquement mis en page, dans une palette très néon qui colle à l'ambiance nocturne légèrement 90s rétro de ses inspirations. Au niveau mécanique, on est sur un Wretched & Alone des plus classiques. On tire un certain nombre de cartes, qui vont nous amener à des prompts, parfois à jouer avec la tour de jenga, et certaines figures mettront en place des événements particuliers, des personnages particuliers. Nous n'avons pas que des ennemis.

la création du cadre et du personnage principal est particulièrement réussie. Les questions posées sont pertinentes et permettent de se plonger dans l'histoire.

Les prompts reprennent des classiques du genre. entre les souvenirs des actes passés, la rencontre d'anciens alliés, la plongée dans le monde parallèle des assassins, ou les rencontres houleuses avec certains de ses membres. Je reproche juste à certains prompts d'être trop précis, et il est parfois difficile de les rattacher à ce qu'on a imaginé précédemment.

De même, j'ai toujours ce souci de la formule Wretched & Alone, où l'on doit mixer 1d6 prompts issus de cartes pour former "une journée". Il est déjà difficile de mixer trois prompts entre eux sans trop s'étaler, alors quatre ou plus ? Pour vraiment poser l'histoire, je pense qu'une à deux cartes par tour de jeu est suffisante, et cela ne change rien à l'économie du jeu : chaque carte possède ses propres modificateurs sur les différentes horloges (oui, la tour de Jenga est une horloge).

J'y ai joué, j'ai passé un très bon moment, et j'y retournerai peut-être, avec une adaptation au nombre de prompts. En tout cas, si vous cherchez un solo pour du John Wick ou du Mission: Impossible-like, c'est parfaitement dans le ton !

Blood on my Name est disponible sur itch